lundi 10 octobre 2011

Conseil municipal du 7 octobre - Une rue Pauline Roland à Nantes - intervention de Louisette Guibert


Pourquoi donner à une rue de Nantes le nom d’une femme que l’histoire n’a pas reconnue ? Parce que nous sommes encore bien frileuses dans nos luttes alors que sont devenues réalités les utopies pour lesquelles Pauline Roland s’est battue. Parce que nous sommes un peu trop sûrs que l’avenir ne mettra pas en cause les droits acquis par nos luttes. Parce que nous ne pouvons ignorer l’histoire des femmes, ni la géographie, car la condition servile est toujours là pour les femmes dans bien des pays.


Quand Pauline Roland naît, à Falaise, en 1807, la Révolution vient d’écarter les femmes des « imprescriptibles droits de l’humanité ». Privées de tous droits civiques par la Constituante, les femmes sont écartées de toute vie publique par la Convention : « les clubs et les sociétés de femmes, sous quelque dénomination que ce soit, sont défendus ». Un projet du Comité de législation formulera ainsi cette ségrégation absolue : « les enfants, les insensés, les mineurs, les femmes , les condamnés à une peine infamante... ne seront pas des citoyens ». Et on aboutit, tout naturellement, à l’article 1124 du code Napoléon : « La femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruits est celle du jardinier » Il est étonnant qu’en cette période la mère de Pauline ait tenu à soigner l’éducation de ses deux filles et leur ait donné un précepteur. M. Desfray, le précepteur est Saint-Simonien. Pauline se passionne pour cette théorie, d’autant plus que les saints-simoniens veulent atteindre leur but par la seule vertu de l’exemple et de la prédication et refusent d’imposer leurs idées par des mesures arbitraires.


Pauline Roland était une femme instruite, une femme indépendante, une mère libre. 110 ans avant Simone de Beauvoir, elle écrit : « je ne consentirai jamais à épouser aucun homme dans une société où je ne pourrai pas faire reconnaître une égalité parfaite avec celui auquel je m’unirai ». Mettant ses idées en pratique, elle exigera que ses trois enfants portent son nom et les élèvera seule tout en mettant en oeuvre ses idées sur l’éducation. Elle la veut libre, gratuite et obligatoire, pour tous et toutes depuis la crèche. Elle devient institutrice et collabore à l’un des premiers journaux féministes, La Femme Nouvelle. Elle défendra une vision nouvelle de l’éducation : éduquer l’homme et la femme de l’avenir. Elle met en place dans le cadre de son enseignement ce qu’elle nomme « l’éducation socialiste », basée sur la solidarité entre les élèves qui conjuguent l’action collective et les savoirs. C’est dans cette expérience que Célestin Freinet puisera au siècle suivant. Elle jouera un rôle important dans la tentative d’organisation collective des enseignants. Elle se méfie de la politique et déclare : « c’est par l’organisation des travailleurs eux-mêmes que l’on arrivera à la transformation nécessaire de la société. Elle crée l’Association Fraternelle des Instituteurs, institutrices et professeurs socialistes. Elle en devient la représentante à la fédération des associations ouvrières où elle sera admise au comité central. En 1850, Pauline Roland est arrêtée et condamnée pour « débauche » à la déportation en Algérie. Elle obtient une libération anticipée grâce à l’intervention de Georges Sand. Elle meurt sur le chemin du retour. Elle a 45 ans. Un destin tragique pleinement assumé par Pauline Roland qui a mis dans sa vie en acte le principe d’égalité entre les êtres humains et tout particulièrement entre les hommes et les femmes, elle a vécu en toute liberté sans concession aucune.


Victor Hugo lui a consacré un long poème dans les Châtiments.
"Le genre humain pour elle était une famille
Comme ses trois enfants étaient l’humanité.
Elle criait : progrès ! amour ! Fraternité !"


Louisette Guibert

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