lundi 31 août 2009

Cachez ces crises que je ne saurai voir, en réponse à une tribune de Yann Vince


L’article de mon collègue Yann Vince paru dans l’Humanité du 17 Août 2009 et portant sur le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes en Loire-Atlantique révèle une absence de prise en compte de la triple crise que nous vivons, non seulement en France mais aussi sur notre planète, crise écologique avec le réchauffement climatique, crise économique avec l’appropriation des bénéfices par les actionnaires, et crise sociale avec la concurrence de tous contre tous et la destruction des protections sociales.

Le débat public sur ce projet rappelé par Yann Vince a bien eu lieu mais une information complète m’oblige à préciser que, concernant les alternatives à ce projet, mises au débat dès le début, aucune évaluation indépendante n’a été entreprise ; la seule mention dans le dossier d’enquête publique évacue d’un revers de main ces propositions. Les qualifier de déclin face au progrès d’un « aménagement durable » - par ailleurs non défini - révèle soit une étude incomplète du dossier, soit une caricature de la réalité. De plus, Yann se rappelle qu’aucun débat n’a été organisé au sein de notre Conseil Communautaire, ni même au Conseil Municipal de Nantes, et que seule une délibération a été soumise à notre vote, c’est la « clause du retour à meilleure fortune », en vue d’assurer à l’éventuel candidat retenu pour la construction et l’exploitation de la nouvelle plateforme une compensation sur ses fonds investis en cas de problème financier dû à des changement de conditions économiques durant la délégation, c’est-à-dire 55 ans, merci pour nos enfants. On est une fois de plus dans la socialisation des pertes qu’en temps qu’élus de la gauche nous devrions combattre.

La réponse aux besoins du trafic aérien souhaité par Yann Vince ne nécessite en aucune façon la construction d’une nouvelle plateforme : le trafic actuel de 2,8 millions de passagers, et celui projeté par les promoteurs du projet, 9 millions de passagers en 2050, si tant est qu’il existe un jour, reste tout à fait compatible avec la plateforme actuelle puisque, pour ne prendre que quelques exemples, Genève, San Diego, Stansted ou Gatewick, avec leur piste unique, accueillent respectivement 11, 17, 24 et 35 millions de passagers ; il y a de la marge.

Lorsque Yann Vince pointe la mauvaise configuration géographique de la plateforme actuelle de Nantes-Atlantique, il a raison mais l’alternative de réorienter la piste, comme proposé par l’association Solidarité-Ecologie, donne une réponse pertinente et raisonnable : pertinente car l’impact en terme de bruit serait divisé dans un rapport 10, et raisonnable en raison d’un coût bien moindre puisque les travaux porteraient sur une piste avec ses taxiways au lieu d’un aéroport complet avec ses accès.

Par contre, lorsqu’il évoque la concurrence avion–route ou les questions énergétiques, il se trompe : l’avion sur des longues distances ne concurrence pas la route ni même le train, mode paradoxalement non évoqué ici par lui-même. Mais le train est pourtant une réelle alternative à l’avion sur des distances moyennes allant jusqu’à 1 000 Km voire plus, c’est-à-dire sur la plupart des liaisons intérieures voire européennes au départ de Nantes.

De plus, lorsque mon collègue évoque des substitutions en matière énergétique, c’est une simple profession de foi : si des agro-carburants existent bel et bien, les moteurs à hydrogène ou les piles à combustibles n’ont, à ce jour, pas été installés sur des avions et les obstacles techniques sont colossaux mais, en tout état de cause, la ressource hydrogène resterait à fabriquer, ce qui est particulièrement dispendieux en énergie primaire. Je rappelle également les conflits pour l’usage de la terre suscités par les agro-carburants, concurrents de l’alimentation humaine. De ce point de vue, les 2 000 ha de terre nourricière accaparés par le projet de Notre Dame des Landes sont un symbole d’anti-développement durable.

Mais au-delà de ces données, prétendre faire du développement durable en promouvant le transport aérien est plus que paradoxal pour trois raisons :

• la première tient aux rejets de Gaz à Effet de Serre avec, non pas 1% des rejets totaux comme le dit mon collègue Yann Vince mais 3,3% pour les seuls vols intérieurs et 13% en intégrant les relations internationales (source ADEME) ; à titre d’exemple, en comptant les rejets totaux de Gaz à Effet de Serre en équivalents CO2, un trajet Paris-Marseille en avion rejette 300 Kg de CO2 et seulement 6 pour le même trajet en TGV (source ADEME et GIEC).

• la deuxième tient dans les conséquences économiques de ce gaspillage énergétique causé par ce mode de développement productiviste, modèle que nous combattons, avec une contribution à l’épuisement des ressources en hydrocarbures qui vont maintenant vers une diminution inexorable dans un processus qui génère une augmentation importante du prix du pétrole : les 140 $ du prix du baril en 2008 ne sont qu’un début.

• La troisième n’est pas la moindre : le modèle déployé par le transport aérien complètement libéralisé est celui du Low Cost sur lequel les gestionnaires de l’aéroport s’appuient pour leur développement. C’est un véritable scandale social mis récemment en évidence avec la condamnation de la compagnie Easy Jet pour travail dissimulé ; ce n’est pas notre modèle social de développement.

Bien entendu, je réitère la demande, avec plusieurs centaines d’élus de Loire-Atlantique, d’un nouveau débat public équilibré et honnête, notamment au sein des instances délibérantes ; je demande la publication du cahier des charges de l’appel d’offre, jusqu’ici refusée ; il s’agit pourtant, dans ce projet, de l’utilisation d’argent public.

La coordination des associations opposées à l’aéroport de Notre Dame des Landes, le groupe de plus de 300 élus sont des moyens que nous avons contribué à construire pour peser sur la réévaluation de ce projet, vieux de plus de 30 ans. Les inébranlables certitudes des soutiens à ce projet ressemblent à celles concernant l’extension du port de Donges-Est, en Loire-Atlantique, qui avait, lui aussi, fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais maintenant abandonné, laissé au musée des années Pompidou, époque où la préservation de la planète n’était pas dans les têtes et où seule comptait le taux de croissance et le productivisme, par ailleurs sans retour pour le bien des classes laborieuses.

Tenons compte que, depuis les années 70, le monde a plus que légèrement changé.

vendredi 14 août 2009

Pourquoi nous sommes opposés au projet d'aéroport de Notre Dame des Landes



Pour Les Alternatifs, le refus de ce projet d'aéroport est le point de convergence de plusieurs enjeux : économiques, écologiques, sociaux et démocratiques.

Quel serait le coût réel pour une telle infrastructure ?

• L’estimation annoncée aux alentour de 600 millions d'euros est manifestement sous évaluée si on la compare à d’autres aménagements semblables en Europe et dans le Monde ; le seul exemple de Stansted, près de Londres, est éloquent puisque, pour un terminal et une nouvelle piste avec ses annexes, le coût est à peu près de 3 milliards d'euros ; cherchez l’erreur ! Ne parlons même pas des désertes par rail jugées indispensables à l’ouverture de la plate-forme, et encore moins d’un hypothétique TGV Nantes Rennes passant par ici dont le coût, à lui seul, peut être évalué à 1,5 milliard d'euros au moins puisque l’accord récent sur le financement de la Ligne à Grande Vitesse Bretagne est arrêté à 3,5 milliards d'euros pour 180 Km.

• De plus, l’utilisation des deniers publics a été sollicité, l’Etat d’abords mais aussi les collectivités locales puisque le Conseil Régional, le Conseil Général et la Communauté Urbaine de Nantes ont voté il y a peu la même délibération qui entérine des aides potentielles de ces collectivités locales au cas ou le délégataire, Bouyges,Vinci, et compagnie… n’arriverait pas à équilibrer son opération. On est là encore dans l’éternelle position de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits. Les bénéficiaires de la construction de cet aéroport en seraient d’abords ces entreprises de travaux publics et du bâtiment mais avec des emplois pas forcément locaux, cela dépend de la technicité nécessaire.

Notre Dame des Landes s’annonce donc comme un projet ruineux

Quel développement nous propose-t-on avec ce projet ?

• Les bâtiments de l’aéroport sont affichés sans rire Haute Qualité Environnementale. Soit, mais ils ne compenseront jamais les rejets du transport aérien, 5 à 10% des Gaz à Effet de Serre, d’autant plus que les promoteurs du projet veulent booster le transport aérien, notamment par les Low Cost ; mais attention, à Copenhague, en Décembre 2009 le transport aérien devrait être intégré dans le protocole de réduction des émissions ; ainsi, la belle croissance envisagée risque d’être largement contrariée. Le modèle de développement prôné ici, c’est le gaspillage organisé.

• De plus, une singularité française, c’est le seul projet d’aéroport en Europe, et Incompatible avec le Grenelle de l’environnement même si ses promoteurs arguent d’un transfert pour raisons de nuisances et de sécurité ; merci Monsieur Fillon.

• Enfin ce projet est destructeur de 2000ha de terre nourricière et générateur d’imperméabilisation des sols, je n’insiste pas.

Notre Dame des Landes se présente donc comme un projet destructeur et anti-écologique, il symbolise un développement non soutenable

Mais quel modèle social est associé à cette logique ?


• Les 5000 emplois temporaires créés pour 600 millions d'euros, coût affiché, seraient plus utiles socialement dans l’éolien. Dans ce secteur, 170 000 emplois Equivalent Temps Plein ont été créés dans le monde en 2006 pour 17 milliards d'euros ; le secteur des énergies renouvelables correspond à un vrai besoin social. Et les mêmes investissements seraient encore plus porteur d’emplois dans l’isolation des bâtiments qui absorbent, faut-il le rappeler, 40% de l’énergie finale en France, ce qui permettrait d’alléger les charges de chauffage, particulièrement lourdes pour les ménages modestes.

• En tout état de cause, le transfert de l’aéroport ne créerait pas d’emploi en soi mais entraînerait une simple délocalisation des emplois du Sud Loire vers le Nord Loire, ce qui accroîtrait le déséquilibre actuel entre le Nord et le Sud de la Loire.

• En outre, le développement souhaité du transport aérien est envisagé à partir des Low-cost, ce qui veut dire dégradation des conditions sociales d’exercice des personnels de ces compagnies qui se voient appliquer la fameuse directive Bolkestein, dans un secteur du transport aérien totalement libéralisé. Cette libéralisation, l’Europe ultra-libérale l’a imposé pour les télécoms, nous le promet pour l’électricité, le gaz, le rail ou la Poste ; vous savez, c’est la concurrence libre et non faussée. Ces compagnies Low cost osent même bientôt proposer aux voyageurs de rester debout, histoire d’en loger plus dans un avion ; décidément, on n’arrête pas le progrès.


Notre Dame des Landes se pose donc comme un projet anti-social

Et à quelle parodie de débat avons-nous assisté ?


• Ce débat est refusé à la Communauté Urbaine de Nantes et au Conseil Municipal de Nantes malgré nos demandes répétées. Un nouveau débat public est écarté d’un revers de manche. Le dernier date pourtant de 2003 ; le pétrole était à 25 dollars le baril, or nous en sommes à 70 dollars aujourd’hui, après être passé par 140 dollars. Les éléments nouveaux et la crise imposeraient logiquement quelques actualisations sur les données du problème.

• Ensuite, ces décisions ont été obtenues par des assemblées délibérantes, le vote d’élus. Elles ont été adoptées par la Droite & le Parti Socialiste dans une union sacrée, le doigt sur la couture du pantalon. Certes ces instances sont légitimes mais sur une projet de cet ordre, on peut mener un débat direct avec les habitantes et habitants concernés ; et si on consultait directement les habitants de Loire-Atlantique ?

• Enfin, la culture du secret est tenace : le cahier des charges de la consultation est sous black out et nos demande se sont vues refusées tout net, circulez, il n’y a rien à voir ! c’est le règne de l’opacité ; c’est un véritable scandale dans une démocratie.

Notre Dame des Landes s’affiche donc comme un projet anti-démocratique

Mais, me direz vous, tout ça pour quelle utilité ?


• Les obsédés de la croissance, les fétichistes du PIB, ne s’occupent pas de l’utilité sociale des investissements pourvu qu’ils génèrent du chiffre ; du chiffre dans les profits accaparés par les actionnaires qui sont les vrais maîtres du monde. C’est le développement capitaliste dans sa plus pure tradition, consommer plus, exploiter plus, mais pour quels besoins sociaux ?

• L’utilité affichée par les porteurs du projet est sur 3 points :

1. l’attractivité du territoire, un des leitmotiv des présidents des trois conseils Régionaux, Général, Communautaire de Nantes ; mais cette attractivité est déjà forte au vu de l’évolution de la démographie de l’agglomération, et l’actuel Aéroport international de Nantes-Atlantique répond largement aux besoins.

2. la saturation de Nantes-Atlantique est une vaste plaisanterie, vu les exemples de Genève avec 11 MPax, San Diego avec 17 MPax ou Gatwick avec 35 MPax, tous à une seule piste. Il y a de la marge.

3. le survol de Nantes et le bruit : là, c’est un problème sérieux, bien claironné par les promoteurs du projet mais qui n’a pas et qui n’est toujours pas pris en compte par l’Etat ; l’alternative, développée par Solidarité Ecologie est, bizarrement, toujours ignorée or elle répond au problème.

Notre Dame des Landes est donc un projet qui n’a pas d’utilité sociale

Face à tous ces dénis : quelle est notre réponse, à toutes et à tous dans notre combat ?


• Premièrement l’alternative aux nuisances réelles des habitants du Sud Loire est connue depuis longtemps avec, non seulement un recours au ferroviaire et une répartition du trafic sur les plates-formes proches de la région, mais aussi la proposition de la réorientation de la piste à Nantes-Atlantique ; alors, franchement, entre 2000ha détruits à Notre Dame des Landes et 200ha à Nantes-Atlantique pour ce réaménagement, entre 130 exploitations agricoles impactée à Notre Dame des Landes et les 2 exploitations à Nantes-Atlantique, entre les 14 000 habitants situés à moins de 3 Km de Notre Dame des Landes et les 6 000 habitants dans la même situation à Nantes-Atlantique, comment ne pas réfléchir ?

• Notre deuxième réponse, c’est ici, la force de notre mobilisation à toutes et à tous, c’est la mobilisation des élus, nous sommes déjà plus de 300 en Loire-Atlantique. Et, vous voyez, ça avance. Oh surprise, des lézardes apparaissent déjà chez les promoteurs du projet, Joël Batteux, Jacques Auxiette ont des doutes ; alors, à quand Patrick Mareschal et Jean-Marc Ayrault ? Messieurs, encore un petit effort !

• Et puis, ici, dans notre combat, c’est cette culture de résistance qui invente les formes d’action, avec la coordination des associations, en auto organisation, et les Alternatifs et leurs quelques élu-e-s se battent depuis le début, tant localement que nationalement; cette culture de résistance est une richesse, faisons la vivre.

Cher-e-s ami-e-s, OUI, NOTRE DAME DES LANDES est Inutile et nuisible
Notre lutte, à toutes et à tous est cette CULTURE DE RESISTANCE,
pour construire une alternative écologique et sociale à cette fuite en avant.

Bertrand Vrain (intervention prononcée lors de la semaine de la résistance le 2 août 2009)